Le 2 novembre 2021, Gérard Larcher, Président du Sénat, annonçait officiellement sur son compte Twitter :
« A l’heure de la #COP26, le @Senat agit concrètement avec une loi pour réduire l’empreinte environnementale du numérique: des réseaux et des centres de données moins consommateurs en énergie; le recyclage pour les appareils numériques. Aidons la France à tenir ses engagements. »
Le 2 octobre 2020, la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France (REEN) avait été présentée par Patrick Chaize, Guillaume Chevrollier, Jean-Michel Houllegatte, Hervé Maurey et plusieurs autres sénateurs, suite aux travaux et à la requête de la Commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire, qui évalue à 7% les émissions de GES issues du numérique d’ici 2040, contre 2% aujourd’hui en France.
Approuvée par le Sénat le 12 janvier 2021, la PPL n°3730 a été transmise à l’Assemblée Nationale fin mai et environ 270 amendements ont été discutés. Le texte de loi avait été approuvé en première lecture par 40 voix contre aucune.
Le 2 novembre 2021, le Sénat a adopté, en première lecture avec modification, la proposition de loi pour tendre vers une informatique plus durable dans l’Hexagone. La loi n° 2021-1485 a été promulguée le 15 novembre et a été publiée au Journal officiel du 16 novembre 2021. La France se positionne comme pionnière sur ce sujet.
Que dit la loi ?
Patrick Chaize affichait une ambition claire autour de cette loi : « Prendre le tournant de la transition numérique en s’assurant que ce secteur, au demeurant indispensable à la transition écologique, ne devienne pas une source de pollution exponentielle. »
L’objectif de la loi REEN est le développement en France d’un numérique sobre, responsable et écologiquement vertueux, afin d’en limiter son impact sur notre éco-système.
La loi est construite autour de cinq enjeux :
1 – Sensibiliser : pour faire prendre conscience de l’impact environnemental du numérique à toutes et tous, il est nécessaire d’adopter des gestes réflexes de sobriété dès le plus jeune âge, via notamment la formation dans les écoles et les universités, dès la rentrée scolaire 2022. Cet axe prévoit également la création d’un observatoire des impacts environnementaux du numérique, attribué à l’ADEME et l’ARCEP, permettant ainsi de mesurer et de quantifier, via la collecte de données, les impacts du numérique sur l’environnement.
2 – Limiter le renouvellement des appareils numériques : ce volet prévoit de lutter contre l’obsolescence programmée mais aussi contre l’obsolescence logicielle : » Est également interdite toute technique, y compris logicielle, dont l’objet est de restreindre la liberté du consommateur d’installer les logiciels ou les systèmes d’exploitation de son choix sur son terminal». Il est également attendu de renforcer la lisibilité de l’information lors des mises à jour sur les appareils des consommateurs.
3 – Développer des usages numériques écologiquement vertueux : à partir de 2024 et afin de réduire l’empreinte environnementale des services numériques, l’ARCEP et le CSA, en lien avec l’ADEME, devront définir le contenu d’un référentiel général d’éco-conception qui spécifiera les critères de conception durable des services numériques. Du côté des consommateurs, il sera nécessaire de les informer autour des usages illimités en matière de consommation d’énergie et d’équivalents d’émissions de gaz à effet de serre de la consommation de données. Cet axe prévoit également d’encadrer le streaming vidéo qui représente 60% du trafic mondial et le démarchage téléphonique via des automates d’appels.
4 – Promouvoir la sobriété des centres de données : le texte prévoit l’amélioration de la performance énergétique des data centers en mettant en avant la valorisation de chaleur ainsi que la limitation de l’utilisation de l’eau à des fins de refroidissement.5 – Favoriser les stratégies numériques responsables dans les collectivités : cet axe introduit par les sénateurs, prévoit que les communes et les EPCI de plus de 50 000 habitants définissent d’ici 2024 une stratégie numérique indiquant les objectifs liés à la réduction de l’empreinte du numérique sur l’environnement, et les mesures mises en place pour les atteindre. Ils devront élaborer, au plus tard en 2023, un programme de travail préalable à la conception de la stratégie.
5 – Favoriser les stratégies numériques responsables dans les collectivités : cet axe introduit par les sénateurs, prévoit que les communes et les EPCI de plus de 50 000 habitants définissent d’ici 2024 une stratégie numérique indiquant les objectifs liés à la réduction de l’empreinte du numérique sur l’environnement, et les mesures mises en place pour les atteindre. Ils devront élaborer, au plus tard en 2023, un programme de travail préalable à la conception de la stratégie.
Un texte aux objectifs limités
« Nous aurions encore pu améliorer la proposition de loi REEN, mais le calendrier parlementaire ne le permet plus. » rapporte le sénateur LR Patrick Chaize. Les ambitions des Sénateurs ont, pour certaines, été bloquées par l’Assemblée Nationale, appauvrissant malheureusement les objectifs initiaux. On peut par exemple citer l’article visant à étendre la garantie légale de conformité à cinq ans pour les équipements numériques. Le Sénat, malgré ses réserves, a adopté le texte de loi afin que la dynamique soit lancée.
Le cas de la copie privée
L’application de la redevance copie privée à taux « spécifique et différencié » aux appareils reconditionnés, retenue dans le texte de loi, a provoqué un important débat entre les sénateurs et l’Assemblée Nationale.
La redevance est déjà payée lors de l’achat d’un produit neuf. L’application de celle-ci aux produits de seconde main, vient se répercuter directement sur son prix et devra être supportée par le consommateur. Le secteur de l’occasion, pourtant bénéfique d’un point de vue environnemental et sociétal, craint une porte d’attractivité au profit des produits neufs des grandes plateformes e-commerce ou de la concurrence étrangère. Les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) sont exemptés de cette redevance.
Alors que le renouvellement des terminaux constitue la plus importante part de la pollution du numérique (de l’ordre de 70%), cette taxe ne va pas dans le sens des ambitions d’un numérique plus vertueux promues dans le texte REEN.