Femmes et numérique : Rencontre avec Charlotte Grivot, mc2i

A l’occasion de la série de portraits « Femmes et numérique » qui ambitionne de valoriser des profils féminins dans le milieu du Numérique Responsable, l’INR est allé à la rencontre de Charlotte Grivot, Senior Manager NR à mc2i, membre de l’INR.

Pouvez vous vous présenter et présenter votre parcours ?

Je m’appelle Charlotte Grivot, je suis Senior Manager Numérique Responsable au sein du cabinet de conseil en transformation numérique mc2i, dans lequel je suis depuis près de 6 ans.
Initialement diplômée dans le marketing, je me suis orientée dans l’IT pour mieux comprendre les mécanismes derrière le CRM. Une expérience en amenant une autre, j’ai fini par me détourner complètement de ce domaine et m’orienter vers la gestion de projet IT. Mes convictions personnelles envers l’environnement m’ont amené à m’intéresser de près aux enjeux du Green IT et plus largement du numérique responsable, chantier de transformation que je copilote aujourd’hui avec une équipe au sein de mon entreprise.


Pourquoi vous êtes-vous dirigée vers le Numérique Responsable ?

A la croisée des missions, j’ai travaillé sur une mission en lien avec de l’Intelligence Artificielle qui m’a beaucoup questionnée sur le sens et l’utilisation des nouvelles technologies dans notre quotidien, et sur leurs impacts sociaux et environnementaux. J’ai alors senti un profond besoin de réalignement entre ma vie professionnelle et mes convictions personnelles. Ce besoin m’a alors poussé à me lancer dans un chantier de numérique responsable. C’est aujourd’hui un levier de transformation pour mc2i qui permet de faire tendre les pratiques vers un numérique plus vertueux au sein de ma société et mais également chez nos clients.

Comment mettez-vous en œuvre la parité au sein de votre organisation ?

mc2i est un des rares cabinets de conseil en système d’informations à pouvoir clamer haut et fort, que nous avons 52% de femmes pour 48% d’hommes au sein de notre structure de plus de 1200 collaborateurs. La raison de ce succès ? Nos valeurs et la diversité de nos recrutements. Notre ADN prône l’Humain avant tout. mc2i est engagé auprès d’associations comme Social Builder, Elles Bougent ou encore Femmes Ingénieures qui œuvrent pour l’insertion des femmes dans les métiers du numérique. Nous menons aussi beaucoup d’actions au sein des écoles d’ingénieurs, de commerce et des universités afin d’informer les étudiantes et étudiants, de leur faire bénéficier de l’expertise mc2i et partager notre vision du métier. Cela se traduit en interne par un fort management de proximité, une bienveillance véritable et un accompagnement au développement de nos collaborateurs. Nos engagements en faveur de la parentalité et le télétravail rassurent les parents et futurs parents sur leur équilibre vie pro / vie perso. Ces valeurs attirent et fidélisent naturellement nos collaborateurs, et notamment nos collaboratrices.
L’équilibre sur les salaires entre les hommes et les femmes, les formations mais également les promotions sont suivis de près par nos équipes de ressources humaines pour s’assurer
que la parité est respectée à tous les niveaux. Dans le cas où il y aurait des écarts, des actions sont mises en œuvre pour rectifier.

Pourquoi le secteur du NR doit être exemplaire en termes de parité ?

Il n’est pas possible de parler de numérique responsable sans être exemplaire sur la parité homme / femme, ni même sur la diversité sociale et culturelle d’ailleurs. Le numérique reproduit toutes les inégalités de notre quotidien. Selon une étude de l’Union internationale des télécommunications, dans le monde, les femmes ont 25% de chances en moins que les hommes de savoir exploiter les technologies numériques à des fins élémentaires (utilisation d’applications, services bancaires…). Elles sont également plus sujettes au cyber-harcèlement, aux intimidations et à diverses menaces en ligne.. Le numérique tel qu’il est conçu aujourd’hui se prive d’une grande richesse, et crée des biais cognitifs invisibles qui viennent accentuer et reproduire les inégalités.
Pourtant les préoccupations des hommes et des femmes sont différentes, le rapport au numérique d’un français, d’un sénégalais, d’un américain ou encore d’un coréen tout autant. Et ne développer le numérique uniquement sous le prisme d’un raisonnement mondialisé et masculin est très réducteur et tend même à phagocyter les spécificités sociales et culturelles de chacun.
Pour toutes ces raisons, il me semble indispensable de faire du numérique responsable un exemple en termes de parité et même d’aller plus loin… en terme social et culturel.

Pour vous, c’est quoi le numérique plus responsable et plus inclusif de demain ?

Le numérique de demain se devra de mieux prendre en compte les impacts sociaux et environnementaux qu’il génère. Là où les GAFAM nous ont habitués à créer puis laisser les autres gérer les conséquences et légiférer (c’est notamment le cas sur le cyber harcèlement, l’ubérisation de certaines professions et secteurs, etc), il pourrait être demandé à tous les acteurs du numériques de prendre leurs responsabilités.
Le numérique de demain se voudra donc éco-conçu, car la planète et les conditions de vie de l’Homme sur Terre, ne nous laisseront de toute manière pas beaucoup d’autres choix. La diminution des ressources pour produire le numérique commence déjà à atteindre des seuils critiques. L’écoconception deviendra donc cruciale pour permettre au secteur entier de continuer d’exister.
Il se voudra également plus inclusif et peut-être moins standardisé. La prise en compte des spécificités de tous les utilisateurs et notamment des personnes en situation de handicap deviendra systématique. Et pour cause, la population des pays occidentalisés est vieillissante, les usagers des services d’aujourd’hui vieillissent également et viendront à rencontrer des soucis de mobilités, des problèmes auditifs ou visuels. Cette situation ne
permettra plus aux entreprises de faire autrement, là où elles ont tendance à se cacher derrière le fait que nos seniors d’aujourd’hui, ne sont pas si familiers avec le numérique et que le nombre de personnes en situation de handicap reste soit disant marginal. Les seniors de demain deviendront une cible bien plus importante.
Une attention plus particulière sera portée également aux spécificités culturelles de chaque région du monde. La mondialisation d’aujourd’hui nous a habituée à une certaine standardisation des sociétés, et les géants de la Tech sont précisément dans ce modèle. Néanmoins, cette standardisation vient contribuer à la polarisation des populations. Certaines régions du monde ne se reconnaissent pas toujours dans ces modèles standards que les géants veulent bien imposer. Il est probable que nous voyons émerger des services et outils beaucoup plus adaptés aux spécificités culturelles.
Et pour finir, l’idéal serait également que le numérique soit réellement représentatif de la population, avec une parité hommes femmes réelle et notable. Bien que les femmes aient été des pionnières dans le numérique, n’oublions pas que beaucoup de technologies d’aujourd’hui ont été créées par des femmes… Elles ont été invisibilisées au profit de la domination masculine dans une époque pas si révolue, ne venant pas inciter les autres à suivre le mouvement.

Comment encourager plus de femmes à se lancer dans cette voie ?

Pour inverser la vapeur et donner envie aux femmes de réinvestir le secteur du numérique et de la Tech plus généralement, l’éducation et la formation ont un rôle fondamental à jouer. Il me semble indispensable de mettre en avant plus de parcours féminin dans des secteurs très touchés par les inégalités de parité. Je crois beaucoup au pouvoir de la représentation, afin de montrer la voie à d’autres jeunes femmes par le biais d’ateliers, de mentoring, d’espaces d’échanges pour promouvoir la place de la femme dans le secteur. L’objectif n’est pas de montrer l’exception féminine dans un secteur, mais d’en prouver la normalisation de la présence des femmes. Néanmoins cela n’est pas suffisant. Les femmes sont sous représentées dans les filières techniques et surreprésentées dans les filières des sciences humaines et sociales. Elles sont globalement moins présentes dans les domaines où l’éthique et l’humain sont au détriment de la performance, du pouvoir et de l’argent. Des questions peuvent alors se poser de manière plus générale sur les modèles et les cultures d’entreprises actuelles, et comment les transformer pour que chacun y trouve sa place.