A l’occasion de la série de portraits « Femmes et numérique » qui ambitionne de valoriser des profils féminins dans le milieu du Numérique Responsable, l’INR est allé à la rencontre de Bela Loto Hiffler, Fondatrice et Présidente de Point de M.I.R, et associée de M.I.R Conseil & Formation, membre de l’INR.
Pouvez vous vous présenter et présenter votre parcours ?
J’ai un parcours tout à fait hétérogène. D’aucuns diraient chaotique. Je n’ai jamais pensé à une quelconque carrière. J’ai toujours cherché du sens là où je pouvais en trouver. Ça joue des tours pour la suite si vous voyez ce que je veux dire (« Quand vous serez bien vieille… » Ronsard n’a pas prévu la question des retraites !) Après des études en sciences économiques, j’ai été maître-auxiliaire en grande banlieue, puis en lycées parisiens. Les derniers établissements qui m’ont accueillie, très élitistes, notamment « H4 », ont, entre autres, réveillé mes préoccupations politiques et sociales. J’ai adoré échanger avec ces élèves de terminales et être mise au défi en permanence. Mais la musique que je pratiquais parallèlement et qui m’occupait depuis mon plus jeune âge, était plus forte et j’ai décidé de monter un studio d’enregistrement et de création musicale avec une associée. Il y avait très peu de femmes dans ce secteur et nous étions mises à l’épreuve en permanence. C’était la belle époque pour les réalisations multimédias dans tous les domaines et grâce à cette lune de miel financière, nous avons pu créer et produire des œuvres musicales plus alternatives, peu commerciales mais sans lesquelles je n’aurais pas pu vivre pleinement. Après 15 ans d’exercice, un accident sportif m’a interdit toute activité pendant de nombreux mois. J’ai dû ensuite me réparer et me recycler. Une activité de formatrice en bureautique m’a progressivement permis de remonter la pente et de découvrir que j’avais une grande appétence pour la transmission et la pédagogie.
Pourquoi vous êtes-vous dirigée vers le Numérique Responsable ?
Il y a une douzaine d’années, j’avais commencé à lire ce que pouvaient écrire les pionniers dans ce domaine et notamment la littérature anglo-saxonne sur le sujet. Je ne m’étais jamais posée la question, je n’avais jamais fait de rapprochement entre numérique et environnement. Quand je travaillais dans le son, j’étais plutôt geek et participais largement à la course à l’armement, à l’affut de toutes les nouveautés. Le « matos » faisait partie de mon univers. Et puis, un soir tard, il y a tout juste dix ans, je suis tombée par hasard sur un documentaire qui a fait tilt. Le lendemain, je n’étais plus la même, j’ai mis quelques jours à digérer cette découverte et ai décidé de façon franche et massive de changer mes pratiques numériques mais surtout de me former sérieusement sur ce sujet qui me semblait soudainement fondamental et incontournable.
Comment mettez-vous en œuvre la parité au sein de votre organisation ?
Et bien, chez nous, nous sommes une toute petite équipe, cela penche du côté des femmes puisque nous sommes deux associées ! Nous faisons aussi appel à des intervenant.e.s exterieur.e.s qui se trouvent être principalement des femmes mais ce n’est pas forcément par choix délibéré. Personnellement, je n’ai jamais choisi quelqu’un en fonction de son genre mais en fonction de sa compétence. Je suis aussi très sensible au charisme qui peut émaner d’une personne, quelle qu’elle soit et cela dépasse largement les questions de genre. Cependant, j’observe que le monde du numérique est historiquement un monde patriarcal, je rencontre régulièrement la misogynie et il n’est pas simple d’y faire sa place. Par conséquent, lorsque l’occasion se présente, je suis ravie de faire pencher les statistiques. Et comme la question de l’équité et de la justice est un de mes combats, la question de la parité est importante à mes yeux, même si je souhaiterais dans l’absolu dé-genrer le débat.
Pourquoi le secteur du NR doit être exemplaire en termes de parité ?
Avant tout, c’est une question d’éthique. La parité est un enjeu éthique majeur qui doit être intégré dans toutes les actions menées par le secteur. Les femmes y sont particulièrement sous-représentées. Mais tout en favorisant un ré-équilibrage de ce côté-là, il faut aussi considérer les autres volets de la diversité, à savoir la lutte contre les discriminations envers les LGBT+, les personnes en situation de handicap, la diversité culturelle et sociale, etc.
En progressant sur tous ces aspects, le numérique sera sans doute plus responsable et plus inclusif. Mais n’attendons pas demain. J’ajoute que si l’on veut un numérique plus responsable, il faudrait d’abord commencer par revoir entièrement notre copie en amont. L’électronique, pendant du numérique, est un monde esclavagiste, néocolonial qui bafoue les droits humains fondamentaux. Nous sommes loin de la petite politique RSE. La route est longue.
Comment encourager plus de femmes à se lancer dans cette voie ?
En facilitant les accès à la formation, en professionnalisant ces dernières en proposant une certification digne de ce nom (enregistré au RS, éligible au CPF, etc.) et en invitant plus souvent des expertes sur les plateaux des médias et dans les tables-rondes pour montrer que oui, il est possible de se lancer dans cette voie.