Philippe SCHMITT
Ex-Directeur Ethique (2019-2020) de l’INR
Ex-Secrétaire Général de l’INR
Sustainable Digital & IT Manager chez ENGIE
L’éthique est un élément fondamental du développement durable, plus particulièrement du Numérique Responsable. Cette affirmation quelque peu péremptoire mérite un peu de contexte.
Dès l’émergence de la notion de développement durable, il est apparu comme nécessaire de maintenir un équilibre entre trois finalités recherchées, les « 3 P » : le bien-être des populations (People), la préservation de l’environnement (Planet) et le bon fonctionnement de l’économie (Prosperity).
Ces trois finalités sont souvent perçues comme antinomiques, mais elles sont également complémentaires. Par exemple, la préservation de l’environnement est vécue comme un frein à des activités économiques (lutte contre la déforestation, limitation de la pêche, interdiction d’activités d’extraction minière, interdiction de produits polluants, etc), mais elle est aussi une garantie de pérennité de certaines activités (en permettant le renouvellement des ressources utilisées par les activités économiques) et source d’autres activités profitables (tourisme, réemploi/recyclage, etc).. A contrario, l’économie n’est pas uniquement la destruction de ressources naturelles, mais contribue à la préservation de l’environnement (par la recherche, ou par le numérique, à modérer tout de même…). De même, le bien-être de la population se fait parfois au détriment de l’environnement, mais il ne peut exister sans préservation de l’environnement (les exemples ne manquent pas, du Soudan au permafrost de Sibérie, mais aussi dans les lieux de vie de nos cités modernes). Et des populations illettrées, en guerre, surexploitées, souffrant de la famine ne sont pas les meilleures alliées de la préservation de l’environnement. Enfin, le fonctionnement de l’économie, au-delà de quelques opportunités de niche (vente d’armes ou main d’œuvre bon marché, par exemple), ne se satisfait pas non plus de populations sinistrées.
Nous le voyons, l’Humain est le pivot de ces équilibres, à la fois observateur (sans lequel la notion n’existerait pas), bénéficiaire global (directement ou via préservation de la planète et économie) et … acteur. Dans le domaine de l’action, beaucoup ont imaginé la prise d’autonomie d’intelligences artificielles qui optimiseront pour nous économie et préservation de l’environnement, pour notre propre salut. Mais l’action, dans la réalité d’aujourd’hui, est constituée par les phénomènes naturels, y compris l’entropie ou la vie, et par les multiples actions, petites ou grandes, de l’humanité. Et il nous appartient, à chaque instant, de décider, individuellement et collectivement, de nos actions, de nos comportements.
La question des moyens de diffusion des comportements (des individus comme des organisations) souhaités reste au cœur de nos préoccupations. Entre totalitarismes et libertés, il convient de construire une voie médiane s’appuyant sur une éthique des pratiques (des individus comme des organisations), depuis l’éducation jusqu’à la coercition pour préserver le demain de l’humanité. A ce titre aussi, le Numérique, encore l’outil, apparaît à la fois comme solution (automatisation par exemple) et comme problème (dirigisme par la machine…), et nécessite le développement d’une éthique propre au Numérique.
Comme il serait agréable que ces comportements souhaités soient spontanément adoptés ! Les rendre accessibles, faciles et peu coûteux est également un enjeu collectif, car réduire « l’effort citoyen » (l’effort à consentir pour privilégier l’acte citoyen), des individus et des organisations, ne peut qu’accélérer et entretenir l’adoption de ces comportements.