COVID-19 : quelles perspectives pour le numérique à l’heure du déconfinement ?

Déclarer ses impôts, travailler, faire des achats en ligne, prendre un rendez-vous chez le médecin : le numérique nous accompagne de plus en plus dans nos activités quotidiennes. Les outils numériques se multiplient pour répondre à nos besoins domestiques, administratifs ou économiques.

Pendant le confinement, le numérique a permis de soutenir la continuité des activités professionnelles et scolaires, mais aussi de maintenir les relations sociales et un certain nombre de services.

À l’heure du déconfinement, l’INR questionne la place d’un numérique responsable dans ces technologies à fort intérêt.

À travers un tour d’horizon de cinq thématiques en lien avec le confinement (l’école à la maison, le télétravail, l’application StopCovid, la consommation de données en ligne et le e-commerce), cet article met en lumière les enjeux qui sont les axes de réflexion portés par l’INR, et les perspectives qui s’offrent pour un numérique responsable. 

L’école à la maison

L’école à la maison a nécessité d’un côté des enseignants capables d’adapter leurs cours et leur pédagogie à distance, de l’autre des élèves en capacité de recevoir les cours (flux de données suffisant pour le téléchargement des fichiers, équipement permettant de stocker et de consulter ces fichiers), d’utiliser une diversité de logiciels ainsi que l’Internet pour restituer les devoirs et poursuivre les échanges.

Si le corps enseignant et les familles se sont mobilisés pour assurer cette continuité pédagogique, 4 à 10 % des élèves seraient en décrochage scolaire depuis le début du confinement (source : Éducation Nationale), avec de grosses disparités géographiques.  

D’après l’INSEE (2017), la part de familles qui possède au moins un ordinateur à domicile est de 71 % chez les 20 % des ménages les plus modestes. Ce taux monte à 92 % chez les 20 % de ménages les plus aisés.

Cette disparité d’accès aux technologies informatiques et internet – aussi appelée fracture numérique – peut être liée à l’absence d’équipements (ordinateur, téléphone portable, tablette, etc.), à la qualité de la connexion, mais aussi aux compétences nécessaires à l’utilisation de ces équipements. Dans ce cas on parle aussi d’illectronisme ou illettrisme numérique (17 % de la population française est touchée par l’illectronisme selon l’Insee, 2019).

Quelles perspectives pour le numérique ?

Contribuer à l’inclusion, à la justice sociale et à la transition écologique en :

  • optimisant la durée de vie et le réemploi du matériel informatique pour équiper les foyers dans le besoin (cf. encart) ;
  • développant une offre de services numériques inclusive et accessible à tous, fonctionnant avec des connexions à débit limité et n’exigeant pas une puissance d’équipements de dernière génération ;
  • favorisant l’émergence de nouveaux comportements, avec par exemple la mise en place de bonnes pratiques pour développer l’acculturation et l’accès au numérique.

AGIR AVEC L’INR

Pour en savoir plus, le WebiNR#1 donne la parole à des personnalités de l’enseignement pour partager leurs regards sur la fracture numérique à l’école et mettre en avant les solutions qui ont émergé de cette situation. 

Pendant le confinement, l’initiative Break Poverty, à laquelle s’est associé l’INR a permis de collecter 12 000 ordinateurs portables auprès des entreprises et des collectivités pour équiper les enfants des foyers défavorisés. Le projet Reeeboot porté par l’INR œuvre aussi dans ce sens pour aider les associations d’aide au retour à l’emploi à disposer d’équipements informatiques pour mener à bien leurs activités.

Le télétravail

Avec l’annonce du confinement, de nombreuses entreprises ont dû rapidement mettre en place le télétravail. Face à la nécessité d’assurer la continuité économique pendant la crise, les barrières psychologiques et techniques qui freinaient le déploiement du télétravail sont tombées généralisant un peu plus cette pratique émergente. Fin mars un salarié sur quatre était en télétravail selon une enquête de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares).

Quelles perspectives pour le numérique ?

Permettre de sécuriser le travail à distance et contribuer au bien-être au travail tout en limitant son impact environnemental. Cela va impliquer :

  • de former les équipes à des nouveaux outils informatiques, par exemple en participant à une démarche collaborative de conception et d’évaluation des services numériques en adéquation avec les besoins ;
  • d’assurer les conditions matérielles et de sécurité pour l’exercice des activités professionnelles ;
  • de diffuser les bonnes pratiques comme le droit à la déconnexion (loi Travail ; août 2016) pour préserver la qualité de vie au travail en prenant soin d’assurer le respect de la vie personnelle ;
  • d’évaluer son empreinte environnementale numérique professionnelle pour mettre en place des actions concrètes ;
  • de déployer et intégrer une stratégie numérique responsable au sein de la démarche RSE  (Responsabilité Sociétale des Entreprises) auprès de l’ensemble des collaboratrices et collaborateurs.

L’application StopCovid

Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, la sécurité des données personnelles, notamment celles en lien avec la santé, soulève des questions de responsabilité et d’éthique que ce soit au niveau des employeurs, des collectivités, ou même dans le cadre de dispositifs tels que l’application StopCovid. En effet, le développement de cette application pose les questions du pistage numérique, de l’usage des données nécessaires au fonctionnement de l’application (durée de stockage des données, informations recueillies, etc.), mais aussi de la manière de concevoir ce type d’outil.

Quelles perspectives pour le numérique ?

Favoriser un usage du numérique transparent et rassurant pour tous, pour ne pas avoir à choisir entre l’usage d’un service fourni par une technologie, la sécurité des données privées et l’environnement. Cela peut être rendu possible en :

  • développant un usage raisonné des données et services dans une démarche éthique, prenant en compte la préservation de l’environnement et des populations ;
  • garantissant l’anonymisation des données et en ne collectant que les données utiles et nécessaires au service des utilisateurs, afin de limiter les risques en matière de vie privée et les impacts environnementaux, en conformité avec le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) ;
  • s’inscrivant résolument dans des dispositifs d’éthique algorithmique sur l’utilisation et la protection des données, notamment au regard de l’intelligence artificielle;
  • concevant de manière responsable les services numériques et en intégrant des technologies ou des dispositifs proactifs vis-à-vis des Objectifs de Développement Durable (ODD) portés par l’ONU.

La consommation de données en ligne

Entre la visioconférence pour les réunions professionnelles ou personnelles, les jeux connectés ou encore le streaming, le confinement a généré une sollicitation accrue des services de l’Internet. Si le civisme en ligne était de mise pour partager le réseau, les opérateurs se sont eux aussi adaptés, par exemple en diminuant la résolution des vidéos (et ainsi la consommation de bande passante).

Le trafic sur internet, dopé par le streaming vidéo et les jeux, a augmenté de 30 % en France pendant le confinement, selon l’étude du spécialiste américain des réseaux Netscout qui a compilé les données des fournisseurs d’accès français.

Quelles perspectives pour le numérique ?

Vers une nouvelle norme, celle de la sobriété numérique, c’est-à-dire concevoir des services numériques plus économes (en matière première, en énergie, etc.) et modérer les usages numériques du quotidien. Cela peut être rendu possible en :

  • prenant en compte le cycle de vie complet des équipements et logiciels, au service de la transition énergétique : des logiciels moins énergivores capables de limiter les flux de données et de consommation d’énergie. Cela concerne aussi bien la conception d’un site internet, que l’optimisation du poids des images et des vidéos,
  • favorisant des usages et des pratiques limitant la consommation de matériels, de ressources, d’énergies et de consommables. Par exemple en privilégiant les appels téléphoniques plutôt que les visioconférences, en limitant l’envoi de mails et de fichiers, ou tout simplement en travaillant hors connexion.

Le e-commerce

La mise en place des gestes barrières et les règles de distanciation sociale ont bousculé les modes de consommation pendant la période de confinement. L’offre e-commerce des secteurs de premières nécessités s’est vue plébiscitée, remportant au passage de nouveaux adeptes. Selon une étude de Nielsen, sur la première semaine de confinement, ce sont 1,2 million de foyers supplémentaires qui s’y sont essayés, dont près de 500 000 retraités. Une tendance qui pourrait s’inscrire durablement après la crise.

Le rôle du numérique : généraliser une démarche d’achats responsables avec l’adoption de clauses sociétales et environnementales en :

  • concevant des applications accessibles à toutes et à tous (simples d’utilisation, sans dark pattern, pensées pour toutes les situations de handicap) dans le respect du Référentiel Général d’Accessibilité des Administrations (RGAA) ; 
  • revisitant les applications autour des 3 U : Utiles, Utilisables, Utilisées pour en simplifier l’usage en intégrant l’accessibilité universelle pour réussir l’e-inclusion de tous ;
  • s’inscrivant résolument dans des dispositifs d’éthique algorithmique sur l’utilisation et la protection des données, notamment au regard de l’intelligence artificielle ;
  • incluant l’innovation sociale dans la définition de nouveaux systèmes et services numériques ;
  • définissant un modèle e-commerce soutenable pour la Planète et pour l’Homme (packaging, expédition, livraison, retours produits) ;
  • définissant une politique d’opérations (soldes, promotions, etc.) et sollicitations (e-mails, notifications, etc.) commerciales responsables. 

Conclusion

La pandémie a démontré la capacité des personnes à changer rapidement de comportement face à un danger imminent et collectif. Le développement d’un numérique responsable est plus que d’actualité dans une société où l’accès à internet est un droit humain fondamental reconnu par l’ONU.

Le 7 avril dernier, quatre associations représentant les principaux utilisateurs et fournisseurs de services numériques en France se sont concertées pour créer un PACTE numérique dans lequel sont mentionnés des axes pour faire converger les transitions numériques et écologiques, favoriser les démarches éthiques et d’inclusion, mais aussi accélérer la transformation numérique de la santé en France après la crise du COVID-19. 

Soumis au gouvernement, ce PACTE numérique pose les premiers jalons pour « sortir de la crise, relancer l’économie et agir pour le futur ». 

Cet article souligne le potentiel du numérique à participer à un monde plus résilient. Il est une invitation à poursuivre nos réflexions dans une série d’articles qui développeront les prospectives d’un numérique responsable.

Ceux-ci seront l’occasion de donner de la visibilité aux solutions déjà mises en œuvre par les organisations, mais aussi de partager des avis d’experts pour informer décideurs et citoyens et apporter une aide à la décision.