Conseiller Numérique : les enjeux d’un numérique inclusif !

Pour un numérique inclusif

Depuis les confinements successifs liés à la pandémie de covid-19, la dématérialisation des services numériques s’est accélérée en France. Cette situation creuse encore davantage la fracture numérique, c’est-à-dire, les inégalités d’accès et d’usages des outils numériques.

Afin de rendre le numérique plus inclusif et accessible, l’État finance le recrutement et la formation de Conseillères et Conseillers Numériques France Services1. L’INR est allé à la rencontre de Pauline, future Conseillère Numérique à l’association La Miete, actuellement en formation chez Simplon.co à Lyon. Pauline agit au quotidien pour réconcilier les usagers avec les outils numériques.


| Tout d’abord, pouvez-vous nous résumer le dispositif  Conseiller.ère Numérique France Service en quelques mots ? 

Le Gouvernement a pour objectif que toutes les démarches soient dématérialisées le 1er janvier 2022. Pour ce faire, 4000 conseillères et conseillers numériques ont été déployés en France pour aider les usagers à faire la transition avec les outils et services numériques. 

Les conseillers numériques dans leurs structures d’accueil accompagnent les usagers vers l’autonomie numérique à travers des actions individualisées ou collectives. Conformément à la circulaire interministérielle du 26 janvier 2021 relative à la mise en œuvre du volet « inclusion numérique » du plan France Relance, les conseillers numériques viennent renforcer les actions des agents d’accueil France Services déjà présents dans le territoire.  

| Quel est à ce jour l’état des lieux de la fracture numérique en France ? 

17%2 de la population est touchée par l’illectronisme en France. Et 13 millions de Français ont des difficultés avec les usages numériques.  Cela peut impacter tout le monde (les personnes âgées, les jeunes…), de tous milieux sociaux, en province, en ville… Car nous n’avons pas tous les mêmes moyens mis à disposition. Par exemple, les personnes résidant à la campagne sont plus touchées (car plus éloignées des Espace public numérique (EPN)). Ce sont des situations qui font que des populations sont plus impactées que d’autres. De plus, certaines personnes ne sont pas outillées pour faire les démarches en ligne, elles sont donc davantage éloignées du numérique.  

| Quels sont les enjeux selon vous pour les 5 prochaines années ? 

Tout d’abord, il est nécessaire de simplifier les démarches et rendre les sites web accessibles, pour que cela soit plus facile à utiliser pour celles et ceux qui ont des difficultés ou qui sont en situation de handicap.

Il faut lutter contre la fracture numérique en autonomisant la population, pour que les usagers soient indépendants le plus vite possible. Pour que cela soit possible, nous devons créer un réseau numérique entre les différentes structures (connaître les organismes, être mis en relation etc.) pour réorienter plus facilement les personnes en fonction de leurs besoins avec des plateformes comme Rés’In et proposer un service de qualité afin qu’ils gagnent en autonomie et en confiance. Nous pouvons aussi mettre en lien les usagers avec Emmaüs Connect, les Ateliers Soudés… pour les équiper en outils numériques ou leur proposer des alternatives comme la lowtech avec les Raspberry pi.

Il y a également un véritable enjeu autour de l’humain : il est nécessaire de recréer du lien entre les organismes et la population. Pour que la population ait accès à ses droits, et pour faciliter la compréhension entre les deux parties en simplifiant les termes employés.

| Quel est le rôle des Conseiller.ères Numériques dans ce contexte ? 

Le rôle d’un conseiller ou d’une conseillère c’est de rendre les services et outils numériques accessibles aux personnes qui viennent nous voir, de répondre aux questions, de les informer sur les dispositifs existant comme le pass numérique, de les réorienter, de trouver des moyens de les outiller (circuit de matériels reconditionnés…) afin qu’ils gagnent en autonomie et puissent avoir accès à leur droits (accéder à un ordinateur, trouver des informations, remplir leurs démarches en ligne…). Nous avons également pour mission de créer du lien avec ces personnes éloignées du numérique.

| Quels sont les publics avec qui vous êtes amené.e à travailler ?

A La MIETE, nous travaillons avec tous les publics : les personnes âgées, les plus jeunes, les décrocheurs scolaires, les réfugiés, les personnes en situations de handicap, les demandeurs d’emplois… De tous âges, tous genres et de toutes situations sociales. En résumé, toutes les personnes qui souhaitent utiliser un ordinateur, un portable, une tablette, pour travailler ou faire leurs démarches, et qui n’ont pas les moyens matériels ou les compétences informatiques.

| Quelles sont les principales actions d’accompagnement que vous déployez au sein de votre structure d’accueil ? 

On propose tout d’abord du libre accès, les personnes viennent faire ce qu’elles veulent sur les ordinateurs. Nous allons proposer des formations avec différents modules, comme la prise en main d’un ordinateur pour qu’ils deviennent autonomes ou encore des ateliers plus longs par thématiques, par exemple : parentalités et numériques, démarches en ligne… Pour faire découvrir des méthodes et outils comme France Connect, Qwant Junior… L’objectif est de répondre aux besoins des différents publics pour les accompagner dans leur transition numérique.

| Quels sont les aspects que vous appréhendez dans l’exercice de votre métier ?

La difficulté est de recréer ce lien entre les organismes et les usagers, car celui-ci est coupé pour différentes raisons. Ils ont abandonné et se sentent incapables d’utiliser et de comprendre le numérique, il faut donc essayer de refaire tourner la machine et surtout de leur redonner confiance en eux. Ca peut être compliqué de faire venir ces personnes, qui n’ont plus la force, le temps, et qui n’ont pas forcément conscience de toutes les opportunités et démarches à faire en ligne. 

Ces personnes ne vont plus dans les structures, les espaces publics, elles ont abandonné. C’est un public invisible, éloigné, c’est difficile de les trouver. Il est donc nécessaire de les démarcher via des actions de quartier et de travailler à les faire venir, à les toucher, à les sensibiliser sur l’importance des outils et services afin qu’elles gagnent en autonomie sur le numérique et aient accès à leurs droits. Mais cela  peut être difficile à mettre en œuvre.

| Pourquoi avez-vous choisi cette voie ? Quel impact souhaitez-vous avoir ? 

A l’origine, j’ai étudié la bibliothéconomie, où il y a des espaces numériques. Avant d’être conseillère numérique, j’étais en soutien à la fabmanageuse3 de la MIETE, j’ai aidé des personnes à être autonomes sur des logiciels de fabrication, c’est pourquoi je continue dans cette voie numérique. Ça me plait de recréer des liens et d’encourager les individus à prendre en main les outils et services numériques. Je souhaite apporter mon aide, trouver des solutions, toucher des personnes invisibles ou éloignées, les sensibiliser pour les rendre plus autonomes et faire du numérique un outil d’inclusion, au service de tous.


NDLR – Pour mettre en œuvre une démarche inclusive dans vos services numériques, consultez la Boîte à outils de l’Institut du Numérique Responsable : https://sustainableit-tools.isit-europe.org/


Conseillier numérique
Conseillère numérique naviguant sur le site de la MIETE

1 France Service est un réseau d’agents accompagnant les usagers pour toutes les démarches administratives du quotidien

2 Fracture numérique : l’illectronisme touche 17% de la population selon l’INSEE

3 Responsable d’un laboratoire de fabrication numérique